jeudi 29 octobre 2009

Octobre 78

Le téléphone sonne pour la quatrième fois. Elle se retourne en grognant vers le bord du lit. Il n’a qu’à se lever, lui. La cinquième sonnerie se fait entendre. Il se redresse et un courant d’air froid passe entre les draps. Elle les rabat rageusement sur ses épaules et, résignée, elle ouvre les yeux. Il s’étire longuement. Elle écoute les vertèbres de son dos craquer. Le téléphone sonne une autre fois. Il se lève. Les ressorts du matelas se détendent. Sa silhouette se découpe furtivement lorsqu’il passe devant la fenêtre. Ils ont encore oublié de tirer les rideaux. Dans quelques heures, le soleil va la réveiller pour de bon. Elle le regarde s’éloigner dans le couloir pendant que le téléphone sonne encore. Sur la table de chevet, les chiffres du cadran rougeoient. Ça lui donne mal aux yeux. Elle regarde plutôt la photo posée au pied de la petite lampe. Dans la lumière orangée du lampadaire, la photo de famille se dérobe. Elle ne voit que son frère, au centre, tenant fermement le collier de Garçon, leur berger allemand. Au bas de la photographie, un 68 bien rond à la mine de plomb se devine. Dix ans déjà ont passé. Au loin, le téléphone ne sonne plus. Sa mère disait qu’un appel au milieu de la nuit était toujours l’annonce de la mort. Elle se demande pourquoi elle a encore cette photo sur sa table de chevet. Paul n’est plus un petit garçon. Il va même venir la voir à Montréal cet été pour fêter ses dix-huit ans. Elle doit se rendormir. Avant que le soleil n’empêche définitivement le rêve. Elle téléphonera à Paul demain. Lui revient dans le couloir, mais le plancher ne grince pas comme d’habitude sous ses pas. Il marche différemment. Elle ferme les yeux. Expire. Elle rouvre les yeux pour jeter un dernier regard à son frère.

vendredi 2 octobre 2009

Dix juillet mille neuf cent quatre-vingt-quinze

Tu m'avais montré les vagues et raconté les noyades et tu m'avais dit les hélicoptères et les gardes-côtiers. Des flocons d'écume jaunie roulaient jusqu'à mes sandales en cuir il fallait toujours qu'elles soient en cuir ça empêchait les pieds qui transpiraient facilement comme les nôtres de transpirer disait maman. La Côte Sauvage inondait l'automne et j'apprenais ta Bretagne. J'avais les pieds mouillés à cause de l'écume séchée pas de la transpiration maman ne me croirait pas.

Qui êtes-vous ?

Ma photo
On pourrait se dire: à quoi bon continuer, la courbe ne rejoindra jamais l'axe. Moi je dis: on s'en fout. Alors, faute de mieux, je tends vers.