dimanche 21 mars 2010

il l’avait embrassé pour la première fois avant la messe du mercredi des cendres la nef déserte leurs parent sur le parvis leur lèvres innocentes ce n’était pas encore carême il me racontait cette histoire à l’heure où elle remontait ses lourds cheveux en chignon le lait démaquillant sur sa peau qui sentirait la lavande jusqu’au lendemain
ses paumes ouvertes le poids des dictionnaires empilés sur ses bras tendus la brûlure du tapis sur ses genoux ça t’apprendra lui dit-il tourner le visage vers la fenêtre espérer qu’il neigera encore demain
écailler l’écorce devenir pruche le temps d’un jeu et gagner au prix du ventre écorché dans l’étreinte déraisonnable entre l’arbre et l’enfant ne pas remuer la tête empêcher le vent de s’emparer des mèches brunes prêt pas prêt j’y vais les pas se rapprochent se ronger les ongles le goût de la résine au fond de la gorge
tu me tires vers toi l’immensité du ciel se rétrécit quand je me penche vers toi la ligne d’horison bascule et je tombe encore vers toi bientôt l'immensité du champ dans les yeux je ne verrai plus que l’herbe rouillée du dernier printemps

jeudi 4 mars 2010

Audrey

Le long boa de plumes écarlates git, disloqué sur la chaise. Entre les stores d’aluminium, le soleil de midi perce et se coule en stries horizontales de la nuque au début concave des reins d’un homme qui dort, voluptueusement. Une de ses jambes émerge hors des couvertures, imbère. Le radio-réveille grésille depuis déjà quelques heures et le bruit du dehors se mêle à l’enfilade de chansons pop. L’homme grogne, renifle. Il se retourne lourdement, faisant glisser les draps de faux satin sur le plancher. Les bras en croix, les jambes déployées à travers le grand lit, il offre son sexe, dressé, à la nudité de la chambre.

Une chasse d’eau se fait entendre. Des gargouillis visqueux roulent entre les murs, le long de la tuyauterie, puis s’estompent. La porte s’ouvre. La lumière crue de la salle de bain déchire la pénombre dorée, noie le corps endormi. Sur le sexe des veinules se devinent maintenant. Des ecchymoses parsèment son haine, et des cicatrices ses bras ouverts.

« Mark, réveille-toi. Il est passé midi »

Appuyé contre le bois fatigué du cadre de porte, l’homme contemple un moment le corps offert à lui et se dirige vers la fenêtre, se grattant le bas du dos.

« Fuck, qu’esse qu’elle fait par terre? »

Il se penche et ramasse la perruque noire qui s’étant emmêlée entre ses orteils. Délicatement, il la pose contre sa paume et, de son autre main, lui redonne sa forme Audrey Hepburnienne et la replace soigneusement sur la tête-mannequin. Puis, d’un large mouvement de bras, il relève les stores.

Le soleil lui percute le visage. Le mascara de la veille s’est accumulé dans sillons des rides que le fond de teint ne colmate plus. La ligne de sourcil tracée au crayon a coulé et les poils épilés repoussent déjà sous l’épiderme. Les trois couches de pinkplum posées sur les lèvres hier soir se sont étalées sous le nez et sur le menton, en un sourire de clown triste. L’homme se retourne, offre ses omoplates cassantes à la lumière. Du bout de l’orteil, il envoie rouler sous la commode le petit contenant de plastique prescrit la semaine passé et qui repose, encore intouché, près du réveil.

Il franchit les deux pas le séparant du lit et s’assoit contre le flanc chaud de l’homme.

« Come on, Mark, faut que tu t’en ailles »

Il ramasse le drap et, de son poing enrobé du tissu soyeux, il caresse le sexe, toujours bandé. Le corps se tend, les bras remontent près de la tête, le dos s’arque, les orteils se crispent. L’homme ouvre les yeux. Alors la main relâche sa pression, caresse encore un peu mollement puis se retire.

- Ah, come on, don’t stop !

- C’est clairement la seule façon de te faire lever. Maintenant que t’es réveillé, je vois pas pourquoi je continuerais.

- You didn’t seem to mind yesterday, si je me rappelle bien.

- Habille-toi au lien de dire des conneries. Pis décolle, je dois me préparer pour ce soir.

Il lance lui ses jeans et sa chemise au visage, s’allume une cigarette.

- Please, Dan, don’t smoke. You know I can’t stand it.

- Justement. Tu vas ptête décrisser plus vite comme ça. Pis je t’ai dit de pas m’appeler de même.

- Oh please. Je veux bien t’appeler Leïla quand tu fais ton show, mais comme ça, with all your make-up fuck up, you look more like a Daniel to me. And not a very pretty one.

- Ferme-là.

- Fine, my love, I’ll do that.

Il se roule au bord du lit et, dans son insolente nudité, se dirige vers la salle de bain. Au passage, il agrippe la tête-mannequin. L’autre se lève si vite que son peignoir se détache, mais Mark s’est déjà enfermé dans la salle de bain.

- Fuck, Mark, sors de là ! Pis joue pas avec elle, m’a coûté une fortune !

La voix lui parvient très nettement à travers la porte :

- I don’t really care, Dan. Ça va être fabulous sur ma tête, once I give her a light haircut.

- Mark, criss, ouvre !

Il a beau hurler et hurler encore d’ouvrir la porte, seul le crachotement du robinet lui parvient. Même des murmures étouffés venant de l’appartement adjacent se font entendre. Mais de l’autre côté de la porte, rien. Il enfonce ses poings contre le chambranle et colle son visage tout contre le bois.

- Ouvre, sinon, j’te le jure, je vais t’éclater ton joli petit cul tellement fort que tu vas rêver de retourner te faire enculer par ton père dans ton criss de sous-sol brun pis après je vais me faire un plaisir de t’éclater ta jolie petite tête contre ma céramique cheap et je vais te regarder saigner du cul, pis saigner du front et je vais trouver ça ben beau.

Des écailles de peinture s’accrochent à sa langue, se mêlent à sa salive. Ça goute le mégot refroidi. Il se blanchit un peu plus les jointures à chaque phrase.

- Et si t’a osé toucher à un cheveu de sa tête, je vais tous te les faire bouffer, un par un, bien enrobés dans ta merde parce que, let’s face it, si t’as un peu idée de la connerie que tu viens de faire, t’as déjà chié dans tes culottes depuis longtemps.

Une sirène traverse le boulevard. Il assène un coup de poing sur la porte en poussant un juron. Le nerf sous son œil gauche tressaille. Il doit se calmer. Il agrippe un petit panier d’osier sur la commode. Dans la force du geste, les pots de vernis à ongles s’y trouvant s’entrechoquent en un tintement froid. Longtemps, il fouille, écartant rageusement du bout de l’ongle ou du dos de la main une couleur puis une autre, ne quittant pas l’entrée de la salle de bain du regard.

Puis un bruit de verre brisé se fait entendre. Daniel s’immobilise, incertain. Mais les vernis sont intacts. Il se rue sur la porte et alors, c’est comme si un miroir complet s’était échoué sur le plancher de la toilette.

- Mark, espèce de cave, qu’esse que tu criss ? Je vais te tuer pour vrai si t’ouvre pas tout suite, tu vas regretter de t’être manqué le mois passé.

Le front collé à la porte, Daniel ne remarque pas immédiatement le sang qui filtre sous la porte, gorgeant les fissures du plancher. C’est la chaleur moite sous ses orteils qui le fait réagir. Il s’empare du téléphone. Ses doigts pianotent sur le combiné. Du talon, il abaisse le volume du radio-réveil. On annonce une température exceptionnellement clémente pour la soirée.

« Eille, salut, c’est moi. Ouais, ça va, pis toi, remis de la soirée ? Ah, oui ? Ok, bonne idée, comme ça Joël pourra pas chialer. Je vais arriver d’avance tantôt, mais attend, t’as-tu besoin de ta Marylin à soir ? Ouais, j’ai eu un fuck avec ma Audrey, j’te conterai ça. Ok, j’t’en devrai une. »

Il repose l’appareil sur la commode. D’un mouvement d’épaule, il enlève sa robe de chambre. Après avoir repoussé toutes les couvertures en un tas difforme au coin du lit, il s’assoit. Il croise les jambes. Du gros orteil, il remonte le volume de la radio et le succès de l’été passé emplit la pièce. Il s’allume une cigarette en murmurant les paroles, le pied battant la mesure.

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On pourrait se dire: à quoi bon continuer, la courbe ne rejoindra jamais l'axe. Moi je dis: on s'en fout. Alors, faute de mieux, je tends vers.