dimanche 19 octobre 2008

Asymptote

Ça y est. Elle s’est assise à ma gauche. Nos deux corps forment deux lignes presque parallèles. Nous longeons la même abscisse, condamnées à ne jamais se croiser. Sa seule présence entraîne une mutinerie de ma constitution. Mon organisme entier se presse contre mon flanc gauche. Une immense force dirigée vers chaque centimètre de sa peau. Atomes par atomes, vers elle.

Mais non.

Le regard obstinément tourné vers le téléviseur, ma façade demeure immuable. Mes tripes ont beau se mettre à délirer, je sais qu’il ne se passera rien. Un cratère d’ambiguïté nous sépare.

Je dois me concentrer sur le film. Mes yeux fixés à l’écran, je tente de focaliser, de me recenter les organes. Peine perdue. Les images, les mouvements, les sons, tout m’agresse. J’en ai la nausée. Je tourne ma tête vers elle. C’est pire. J’ai envie de vomir notre silence. Sa dénégation. J’ai besoin de répandre notre histoire partout sur le plancher, qu’elle soit obligée la regarder en face, d’en observer la pourriture, et peut-être enfin, me regarder, moi.

Je repose mes yeux sur la télévision. Il n’y aura pas de déversement ce soir. Encore une fois, j’ai esquivé la confrontation. Le moment n’a pas été régurgité, il est trop tard.

Elle se lève, traverse mon regard nauséeux. Son odeur flotte un moment autour de moi, puis s’efface. Alors seulement je parviens à tourner la tête, et la regarder disparaître dans le couloir. Je peux prévoir secondes par secondes, gestes par gestes, ce qu’il se passera ensuite. La répétition incessante d’un mauvais rêve. Elle sortira de la salle de bain. Je lèverai mes yeux vers son visage qui, lui, fuira le mien. Elle se replacera à ma gauche, toussera, rangera sa frange de cheveux indisciplinés derrière son oreille droite, si indifférente au branle-bas de combat qu’elle déclenche en moi.

Ça y est. Elle s’est rassise à côté de moi.

Tout peut recommencer.

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On pourrait se dire: à quoi bon continuer, la courbe ne rejoindra jamais l'axe. Moi je dis: on s'en fout. Alors, faute de mieux, je tends vers.