samedi 7 novembre 2009

Août 71

Le vent se lève dans les grands hêtres. Les feuilles crissent, ragent puis hurlent. L’orage n’est pas loin. Personne n’est encore revenu de la plage, elle est seule au chalet. Ils ne tarderont pas. Bientôt les maitres-nageurs siffleront, interdisant l’accès aux vagues. Ils veilleront quelques instants, puis tireront leur chaise loin sur le sable sec, près du boardwalk, pour qu’elle ne soit pas prise par les hautes marées de tempête. Les parasols seront rabattus, les chaises pliées, les planches secouées. En royaumes désertés, les vestiges de châteaux de sable scanderont le relief de la plage, jusqu’à ce que la pluie ait raison d’eux. Assise en indien sur le sol, elle tourne rêveusement les pages du plus récent catalogue de tricot de sa mère. Le tapis du salon frotte sur ses cuisses nues à chaque fois qu’elle remue. Bientôt elle entendra leurs pneus de vélo sur la pierraille blanche du chemin. Paul rentrera, énervé, lui racontant les vagues qu’elle aura ratées, les tonneaux jusqu’au rivage, du sable au fond de la gorge et du sel plein les yeux. Il paradera l’éraflure qu’un rocher égaré lui aura faite le long du flanc. Elle hésite. Elle doit se choisir un modèle de pull pour Noël, mais elle se trouve trop vieille pour ces tricots fantaisistes. Elle préfèrerait porter de jolis cardigans aux mailles minuscules. À travers les branches agitées, des éclats de ciel percent. La lumière est jaunâtre, presque teintée d’ocre. Une lumière de tornade, comme dirait son père. Elle sent le sol frémir. Les pilotis sur lesquels est perché le chalet vibrent sous les bourrasques. Elle referme le catalogue. Bientôt, ils seront là. Elle se couche se le dos. Encerclée de leurs cimes, elle se laisser vaciller auprès des grands hêtres.

4 commentaires:

Suzanne a dit…

J'adore cette série de dates et d'elle.
J'aurais par contre plutôt tendance à vouloir lire ''les chaises pliées, les planches secouées'' que ''les chases pliantes pliées...''
Simple considération rythmique.
Bises

Martin a dit…

Je vois Washington, ais-je tort? Et les tricots ridicules de noël, c'est la vie.

Valérie a dit…

J'aime vraiment beaucoup ce texte.

La Fille a dit…

Martin: Géographiquement oui. Pas de plage à Washington.

Suzanne: tu as raison ma Suzonne

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On pourrait se dire: à quoi bon continuer, la courbe ne rejoindra jamais l'axe. Moi je dis: on s'en fout. Alors, faute de mieux, je tends vers.