dimanche 1 novembre 2009

Novembre 77

Le train a quitté la gare. Le croissant avalé en vitesse au bord du cœur, elle cale sa tête entre le siège et la fenêtre. Les perles de neige fondue luisent dans ses cheveux et gouttent jusqu’à ses genoux. Dans sa main droite, une photo polaroïd finit de sécher. La photo est ratée. Le gris verdâtre du mur et des plafonds de la gare occupe presque l’entièreté du cliché. Seule tache blanche dans le coin supérieur droit, son visage à lui, minuscule et flou. L’appartement lui manque déjà. Le vieux piano blanc, l’ampoule nue au-dessus du lutrin, sa vieille guitare qui traine. L’odeur écœurante qu’a son pull mouillé quand il revient après avoir été acheter des croissants à la boulangerie turque du bas sans prendre la peine de mettre un manteau et que Montréal neige comme elle sait neiger. Elle retourne la photo. Elle a trop attendu avant d’appuyer. L’escalier roulant l’avait déjà emporté et n’a laissé que son visage. Au verso, elle inscrit la date au crayon de plomb, les paroles de Brel en tête. Il disparaît bouffé par l’escalier et elle, elle reste là, le cœur en croix. Elle se met à hurler. Les yeux fermés. La bouche aussi. Elle ne veut plus de ces allers-retours en train. Jeter tout par la fenêtre et laisser le passage régulier des wagons déchiqueter tout contre les rails. Puis y retourner, se blottir contre lui pour écouter le robinet fuir toute la journée. Et se perdre sous les polaroïds de leurs deux corps en croix.

2 commentaires:

Suzanne a dit…

Tes deux derniers textes sont poignants.
je t'aime et j'aime ton regard

Martin a dit…

Super l'insertion de Brel (Bon je suis gagné d'avance avec cette chanson, mais j'aime beaucoup comment tu l'incorpores)

Calin

Qui êtes-vous ?

Ma photo
On pourrait se dire: à quoi bon continuer, la courbe ne rejoindra jamais l'axe. Moi je dis: on s'en fout. Alors, faute de mieux, je tends vers.