dimanche 9 mai 2010

Quand j'allais me tapir près de la grande armoire blanche dans la pénombre des stores tirés qui isolaient des chaleurs de canicule d'été, j'avais toujours l'impression de pénétrer dans un sanctuaire bien gardé. Posant les pieds doucement sur le bois franc pour ne pas que tu entendes les lattes craquer au sous-sol où tu faisais toujours la lessive du dimanche après-midi, je m'avançais vers le fond de la chambre et tendais la main vers la poignée de droite, celle qui était craquelée je n'ai jamais su pourquoi mais j'aimais me dire que c'était arrivé lors d'une de vos engueulades. J'étais tranquille pour une heure. Tu allais toujours suspendre le linge au jardin. Alors, je sortais tous les albums, un à un. La couverture du grand rouge, celui où l'écriture enroulée de Bonne-maman avait écrit depuis juin 72 jusqu'à juin 76, était toujours collée à celle du bleu, où ton nom était inscrit, suivi de depuis ses 11 ans jusqu'à ses 15 ans mars 68-juin 72. Je les séparais en insérant mon index et mon majeur entre les couvertures. Ça craquait un peu. Assise à même le sol, je faisais des piles. J'avais mes préférés. Je n'aimais pas les albums les plus anciens. Les photographies y étaient trop petites. Maintenant, c'est différent. Je n'ai plus peur d'y chercher des secrets, aussi minuscules soient-ils. Durant ces dimanches après-midi, ce que je préférais, même plus que le bruissement des encarts de papier ciré entre les pages pour ne pas que les photos s'altèrent entre elles, c'était de trouver des clichés de toi portant toutes ces robes qui reposaient désormais dans le gros panier d'osier avec mes autres déguisements. Je savais qu'après, quand j'aurais replacé les albums dans l'armoire dans une pyramide savante les empêchant de s'écrouler, j'irais dans la pièce du fond, celle sans fenêtre, et je jouerais à être toi.

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Qui êtes-vous ?

Ma photo
On pourrait se dire: à quoi bon continuer, la courbe ne rejoindra jamais l'axe. Moi je dis: on s'en fout. Alors, faute de mieux, je tends vers.